Co-construire la posture du facilitateur

Mireille Hahnschutz CCI Les Facilitateurs d'Alsace (mars 2017)

Les Facilitateurs d’Alsace proposaient hier de co-construire la posture du facilitateur. Une vingtaine de professionnels désireux de développer leurs compétences en matière d’animation collective et de facilitation ont participé à cette nouvelle expérience originale.

Hier, les Facilitateurs d’Alsace accueillaient leurs fans dans le quartier de la Meinau à Strasbourg, et plus exactement dans le club-house de l’ASES Football. Organiser ces rencontres dans un tel lieu n’est  pas anodin pour deux des membres fondateurs du collectif. Conseillère régionale impliquée dans le monde associatif et l’économie sociale et solidaire depuis de nombreuses années, Catherine Zuber est une habitante du quartier. Quant à Bernard Bloch, outre sa volonté de favoriser l’utilisation des outils de facilitation dans son entreprise (ÉS) et plus largement dans les entreprises alsaciennes, il est également le président du club hôte. Pour Catherine et Bernard, la création de passerelles entre ces mondes et les jeunes des quartiers de la ville revêt également un enjeu collaboratif indéniable.

Des soirées trimestrielles pour expérimenter la facilitation

Le profil des personnes présentes hier soir traduisait bien cette diversité. Certains travaillent dans les institutions territoriales ou le monde associatif, d’autres sont enseignants ou salariés des entreprises de la région, mais tous ont envie de découvrir et de s’approprier des techniques et outils de facilitation au service de travaux collaboratifs. C’est justement l’objet des Facilitateurs d’Alsace, un collectif de consultants, managers, formateurs et curieux qui se réunissent pour approfondir, faire connaître et développer les techniques de facilitation. Chaque trimestre, ils proposent ainsi une soirée publique permettant aux participants d’aborder une thématique et de la développer à l’aide d’outils sélectionnés par des facilitateurs volontaires.

En introduction de la soirée, et après une rapide présentation du collectif, Catherine Zuber a expliqué que ces rencontres publiques permettent à des personnes volontaires de faciliter ces rencontres et de faire vivre une expérience collective et collaborative aux participants, sous l’œil d’un superviseur, garant du respect des règles et de l’analyse a posteriori du déroulé de la soirée. Elle a ensuite laissé la place aux deux facilitateurs du soir, Mireille Hahnschutz, conseillère Industrie à la CCI, et Bernard Bloch. Ce dernier a présenté la thématique de la soirée : la posture du facilitateur.

Ce thème, déjà abordé en décembre dernier, avait montré la difficulté de circonscrire un profil-type du facilitateur. Les participants avaient alors décidé d’approfondir ce point et un dernier exercice avait permis de dresser un pré-design de la rencontre d’hier soir. Une réunion préparatoire organisée la semaine précédente avec l’équipe-cœur du collectif avait permis aux organisateurs d’enrichir le pré-projet pour optimiser le design qui allait être proposé aux participants.

Les facilitateurs ont proposé un premier exercice pour aider les participants à faire connaissance. Bernard leur a posé trois questions et leur a demandé de se séparer selon leurs réponses.

  • ceux qui viennent pour la première fois à une soirée des Facilitateurs d’Alsace
  • ceux qui pensent savoir ce qu’est la facilitation
  • ceux qui se sentent à l’aise avec la facilitation

Mireille a ensuite expliqué que l’intérêt d’un tel exercice est de montrer les différences et les points communs entre les participants qui ne se connaissent pas, insistant sur « l’importance de faire connaissance de façon ludique tout en se mouvant dans l’espace de travail afin de se l’approprier. »

Avant de passer à l’exercice suivant et d’entrer dans le vif du sujet, Mireille a rappelé au groupe les quatre règles de bon fonctionnement d’un collectif :

  • écoute active
  • liberté
  • bienveillance et suspension de jugement
  • discipline et gestion du temps

Qu’entendez-vous par posture de facilitateur ?
Un lipogramme en U

L’équipe-cœur est particulièrement sensible à la qualité des consignes et surtout de leur compréhension par tous les participants.

Le premier exercice a consisté à demander aux participants d’élargir le champ lexical de la question posées : « Qu’entendez-vous par posture de facilitateur ? »

Pour cela, Mireille et Bernard ont proposé aux participants un lipogramme en U. Un lipogramme consiste à écrire une phrase sans utiliser une lettre particulière. Se trouvent ainsi proscrits les mots qui contiennent cette lettre. L’exemple le plus célèbre de lipogramme est le roman de Georges Perec, La Disparition, entièrement écrit sans la lettre E.

De fait, en proposant un lipogramme en U, les participants ont dû faire preuve d’imagination pour proscrire les questions commençant par « Qu », ainsi que notamment les mots-clés « posture » et « facilitateur ». Répartis en trois tables, chaque participant a eu quelques minutes de travail individuel pour réécrire la question en suivant la consigne. Ensuite, Mireille et Bernard leur ont demandé de noter sur un post-il les mots-clés qu’ils avaient utilisés dans leurs nouvelles expressions, avant de demander à chaque table de présenter ces mots et de coller les post-it autour d’une silhouette commune.

Afin de ne pas créer de frustration, les facilitateurs ont proposé à ceux qui le souhaitaient de révéler au groupe leur lipogramme en U. Et force est de constater que ce travail individuel a révélé de vrais talents parmi les participants.

  • Vois-je le savoir-être de la personne rendant facile le travail de notre collectif ?
  • Sens-je l’infini possible des problèmes à régler grâce à la facilitation ?
  • Comment incarner l’Accompagnant de talents ?
  • Comment le leader mène-t-il sa bande ?
  • La fonction d’animation devrait être…
  • Obtenir la grâce de la décision prise en collectivité est-il possible sans se décentrer ?
  • Rendre les choses faciles impose-t-il de se positionner différemment par rapport à la globalité des personnes présentes ?

Autour de la silhouette commune, les post-it ont fleuri et ouvert le champ lexical de la question posée : Règle ; Problème à régler ; Comment ; Globalité ; Positionnement ; Rôle ; Leader ; Mener ; Accompagner ; Animation ; Facilitation ; Rendre facile ; Savoir-être ; Comportement ; Gérer les émotions ; Centrage ; Force ; Infini possible ; Grâce de la décision.

A quoi ressemble le pire facilitateur ?
Brainstorming inversé

Si l’exercice précédent a permis de fixer le cadre et d’élargir le champ lexical de la thématique du jour, les participants n’ont toujours pas répondu à la question posée : « Qu’entendez-vous par posture de facilitateur ? ». Et plutôt que d’y répondre directement, Mireille et Bernard proposent alors un exercice de brainstorming inversé afin de répondre par l’absurde à la question reformulée ainsi : « A quoi ressemble le pire facilitateur ? »

Les Facilitateurs d'Alsace (mars 2017)

Une silhouette de facilitateur est posée sur chaque table. Bernard explique aux participants qu’ils vont devoir mettre des mots pour décrire le pire des facilitateurs : un mot par post-it à coller à l’intérieur de la silhouette. Mireille leur précise qu’ils devront ensuite présenter leur personnage aux autres tables en utilisant un mode d’expression particulier  : le dessin ; la pièce de théâtre ; les mots. Chaque table tire alors au sort le mode d’expression qu’elle devra utiliser.

Durant les minutes suivantes, les équipes accumulent les mots-clés les plus négatifs pour décrire le pire des facilitateurs. Les rires fusent et la bonne humeur est de rigueur. Sur une table, le dessin général s’enrichit de détails croustillants. Sur une autre table, les mots deviennent une offre d’emploi ubuesque. Et à la troisième table, chaque participant devient acteur d’une séance de facilitation partant en vrille.

Après une demi-heure de délire total, les personnes de chaque table se lèvent pour présenter leur œuvre. Le constat s’impose : la créativité est au beau fixe, et les participants s’applaudissent sans réserve.

La posture idéale du facilitateur.
Miroir inversé

Comme l’explique ensuite Mireille, la séquence précédente a permis de répondre à la question initiale sur ce qu’on attend surtout pas de la posture du facilitateur. Il s’agit à présent de mettre des mots sur la posture idéale.

Elle propose alors au participant de citer les mots-clés absurdes qui ont été posés sur chaque table, puis tous ensemble de trouver le mot opposé qui positiverait la posture du facilitateur.

Les mots absurdes > Les expressions positives

Pas clair dans ses consignes > Ancré / Précis / Structuré
Ne tient pas le timing / Livrable pas clair > Ponctuel / Organisé / Libre / Agile / Concis
N’a pas de post-il > Équipé / Outillé
Monopolisant la parole / Bavard / S’écoute parler > A l’écoute
Impatient / Nerveux / Coupe la parole > Patient / Sérénité
Sans empathie / Sourd > Empathique / Accessible / Soutenant
Manipulateur / Contribue au contenu / Prend parti / Parti pris / Intrusif / Influence les réponses > Neutre / Impartial / Met en sécurité
Méfiant > Confiance
Négatif > Constructif
Malveillant / Vulgaire / Irrespectueux > Poli / Respectueux
Humiliant / Blessant / Pervers narcissique / Autoritaire / Tyrannique / Sadique / Destructeur / Moqueur >  Sain / Bienveillant
Orgueilleux / Égocentrique > Sens du collectif / Altruiste
Intello > Simple
Soumis / Trouillard / Mou / Absent / Triste / Hermétique > Heureux / Joyeux / Dynamique

Alors que les premiers mots-clés énoncés en début de soirée ont permis d’élargir le champs de la question afin que chacun puisse se l’approprier, ce dernier exercice a permis aux participants de dresser collégialement un profil de posture idéale du facilitateur. Comme l’expliquent encore Mireille et Bernard, à chacun de piocher les ingrédients qui lui conviennent.

Durant les deux heures passées, les participants ont ainsi réussi à dresser une silhouette du facilitateur idéal. Et cela, dans la bonne humeur ; un détail qui ne leur aura pas échappé quand ils se sont applaudis les uns les autres.

Pour finir cette soirée, Jean-Luc Watzky, superviseur de la soirée, félicite les facilitateurs et tous les participants, soulignant toutefois quelques points d’amélioration qui seront pris en compte pour les prochaines rencontres.

« Faciliter au quotidien, cas pratique et organisation »

Catherine remercie ensuite les participants et présente la suite des événements des Facilitateurs d’Alsace. Comme le collectif l’avait décidé il y a plusieurs mois, le prochain thème qui sera abordé sera : « Faciliter au quotidien, cas pratique et organisation ». Elle demande si des volontaires seraient prêts à assurer la facilitation de cette prochaine rencontre publique, tout en leur assurant le soutien de l’équipe-cœur. Deux personnes se proposent : Anne-Claire Peter et Florence Prudent.

En guise de conclusion, Mireille propose une technique de mesure de la satisfaction des participants. Dans la salle du club-house sont affichés quatre smileys et elle demande aux participants de se mettre sous celui qui traduit le mieux leur état présent. Résultat : deux tiers de très satisfait, un tiers de satisfaits et aucune insatisfaction.

Une soirée utile et sympa à la fois.


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